Du sang de la sueur et des larmes ! Plus qu’une nécessité, c’est une constante immuable que le rock made in France, style musical d’origine américaine issu du jazz et du blues et délivré avec des paroles francophones, doit appliquer pour être reconnu.
Lorsqu’en 2004, Steeve Estatof, doté de références dantesques, pétri de talents vocaux et scéniques infiltre le système feutré du microcosme audiovisuel, les anciens se souviennent… les jeunes découvrent… que le rock existe ! Et en prime time durant dix semaines, le rock exulte !!!
Après avoir retourné la scène du Pavillon Baltard, il ne faut pas plus de deux mois à Steeve pour parachever la première partie de son œuvre en mettant « A l’envers » 120 000 nouveaux aficionados.
Pour ce premier opus grandeur « major », la pochette en noir et blanc, le visage rebelle et la gourmandise d’en savoir plus sur l’auteur compositeur démangent. Tout donne envie d’enclencher le disque sur la platine et l’on découvre alors un album 100 % rock où ses influences musicales, Nirvana en tête, sont omniprésentes. Il en ressort une grande homogénéité, que ce soit dans le rock simple et vindicatif ou les ballades très typées. Tous les titres ont ceci en commun de nous ramener à ce qui nous avait scotché lors de sa première audition lors de la « Nouvelle Star » : son chant rauque et chaud rappelant le timbre légendaire de Kurt Cobain. Et parfois, particulièrement sur « Stella », ce vocaliste à fleur de peau, exploitant toutes les possibilités émotionnelles de sa voix merveilleusement cassée, évoque même Axl Rose à travers certaines intonations.
Sans appel, « A l’envers » sera donc disque d’or ! Contenant pas moins de cinq titres originaux, dont le fameux morceau déjanté et très punk « 1977 », son album prolonge également son existence sur scène. Mais à l’applaudimètre, d’autres chansons comme la reprise géniale et ahurissante en Français de « Lithium » du groupe Nirvana, égalent ses propres compositions. À ce moment précis, l’ascension est fulgurante. Des artistes aussi respectés qu’Axel Bauer, David Hallyday et Daran viennent l’épauler pour des collaborations et il acquiert enfin ses lettres de noblesses.
Steeve Estatof vit son rêve éveillé, les yeux écarquillés et le cœur palpitant. Qui aurait parié que le grenoblois pouponné au Black Sabbath, n’ayant négligé aucun rudiment vital comme le solfège, qui a commencé à jouer très jeune dans des groupes comme « Flesh to Flesh » (guitare), « Pace Maker » (batteur choriste), Frénégonde (guitare et chant), Soundfix (chant) ou Pep6, puisse insuffler le vent du rock made in France dans des conditions de production trois étoiles ????
Mais Steeve sait que pour en arriver là, rien n’a été facile et que rien ne lui a été épargné. Il a côtoyé le mépris et les épreuves, et s’il est une rock star dans l’âme, il aime à se ressourcer près des siens, se balader seul dans la campagne ou s’isoler en forêt pendant des heures.
Mais pour cet amateur de comédies françaises et fan du « Père noël est une ordure » ou du « Dîner de cons » et collectionnant les DVD de « Kaamelott » qu’il connaît par cœur, la musique est toujours là comme une litanie, un simple tic-tac de réveil pouvant lui déclancher une rythmique ! Et pendant sa première tournée « d’A l’envers », alors qu’il déclame dans tout l’hexagone le grunge et le punk rock dans la langue de Molière, un autre courant s’immisce dans l’élaboration de son second album : le glam rock.
L’homme qui a composé lui-même la quasi-totalité de ses morceaux est perfectionniste. Et si trouver un bon studio d’enregistrement et de bons musiciens est chose aisée, trouver l’esprit du Hard Rock glam l’est moins… sauf à se rendre sur les lieux de sa genèse. Pour le rockeur originaire de Montalieu-Vercieu en Isère, le rêve reprend son cours (direction les Etats-Unis) et il s’offre les services de Mike Fraser, producteur qu’on ne présente plus dans le milieu métal mondial ainsi que des musiciens de Good Charlotte, Sepultura, et Ben Harper. En terrain de connaissance, parlant la même langue universelle du Hard Rock, ils feront naître aux mythiques Conway Studios à Los Angeles « Perfect poison » « Le Poison Idéal » !
Le morceau « Real TV » ouvre l’album de manière rageuse, hard même, avec une diatribe non pas sur la télé réalité, mais sur ceux qui ont cru qu’il s’y était perdu, et que l’exercice était facile. Le message est le suivant : Télé réalité non ! Télé crochet oui ! Star à l’arrivée ? Pas forcément… À travers cette composition, Steeve démontre toute sa rage. Les guitares sont incisives, le refrain accrocheur renforcé par des cœurs ciselés.
« Kendy », plus pop pour les uns, très rock pour les autres, présente la principale caractéristique du single : refrain immédiatement mémorisable. Sa magistrale interprétation en 2008 lors de son retour à Baltard à la Nouvelle Star a rappelé au nouveau jury et à tous, ce qu’était le rock en prime time. S’ensuivent « Bomb Baby », le fameux titre dédié au glam, reprise en moins rapide mais sans doute en plus subtile, « Et viens te faire chahuter », superbe autre reprise avec une intro qui laisse augurer d’un bon morceau rock’n roll et électro- pop à la fois !
« Un ange noir », qu’une excellente critique a qualifié de « Power Ballade » dans la plus pure tradition des années 70, poursuit le chemin de ce nouvel opus. Cette chanson magnifique, digne du groupe mythique Scorpion, avec un refrain fédérateur appuyé par des chœurs, et une montée en puissance basée sur un très jouissif solo de guitare, mériterait un single qui immanquablement transformerait l’essai de ce poison décidément idéal. Cet opus recèle d’autres pépites telles que l’énergique « Sous hypnose » et du très pop « Bye bye girl » qui figure dans le tiercé de tête des morceaux plébiscités pour son énergie et son originalité délirante.
Mais le terrain de prédilection de Steeve, on avait pu le deviner en 2004 à Baltard, reste la scène. Et si depuis son « poison idéal », il s’y est fait plus rare, ses quelques apparitions restent mémorables ! Avec un clavier, une batterie et des guitares tonitruantes, une urgence imparable et une énergie punk, rock et glam à la fois, Steeve nous le prouve immanquablement avec une set liste piochée dans ses deux albums auxquels s’ajoutent quelques bonus délivrés dans une ambiance de feu ! Au total, deux heures hallucinantes de spectacle, ou le chanteur emporte tout sur son passage, y compris son public, rugissant à nouveau et élargissant son cercle d’initiés. L’addiction est grandissante et le troisième album de l’aîné des 3 fils Estatof enfoncera le clou il nous le promet, en fédérant le plus grand nombre !
RB.